Synthèse

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I. La participation des habitants souffre de symptômes évidents

A. Un cadre institutionnel nettement perfectible

Si les lois de décentralisation ont contribué à la formation d’un droit de la participation, d’une part en officialisant et en encadrant juridiquement de nombreuses pratiques extra-légales et, d’autre part, en créant des mécanismes participatifs inédits, leur apport se révèle néanmoins insuffisant. Le caractère trop peu incitatif, voire trop peu contraignant du droit dans la mise en jeu de la participation constitue l’une des explications : l’on reste dans une logique de démocratie représentative où la participation ne doit pas aller à l’encontre du pouvoir de décision des élus locaux.

Ainsi, la mise en œuvre des dispositifs participatifs prévus par les textes dépend généralement de la libre initiative et de la volonté des autorités municipales. La création de comités consultatifs sur toute question d’intérêt communal ou encore le déclenchement de la procédure de consultation ou de référendum local attestent de cette réalité.

Parallèlement, les mécanismes de participation obligatoires se caractérisent par leur marginalité, limités pour l’essentiel à la concertation préalable, à l’enquête publique et aux conseils de quartier (dans les communes de plus de 80 000 habitants).

Dans tous les cas, les procédés institués par le législateur se révèlent d’un impact limité à un double point de vue. D’une part, en dehors du référendum local, ils préservent systématiquement le pouvoir de décision finale des municipalités. D’autre part, cette décision n’est que faiblement influencée par la participation des citoyens, soit que celle-ci intervienne à un stade très avancé du processus décisionnel, soit qu’elle soit largement diluée dans ses modalités d’exercice (expression citoyenne par l’intermédiaire de représentants, procédures empreintes d’un formalisme rigoureux ou livrées à la liberté des élus locaux dans leurs conditions de mise en œuvre).
Ces différents aspects rejaillissent inévitablement sur la pratique même de la démocratie participative, qui demeure largement défaillante.

B. Une pratique largement défaillante

D’une manière générale, la démocratie participative locale apparaît pour le moins négligée par ceux qui devraient en être ses principaux artisans.

Tout d’abord, on peut faire le constat d’une réticence encore (trop) majoritaire de la part des élus locaux à pratiquer le jeu de la participation sur la base d’un certain nombre d’arguments traditionnellement avancés (dilution et affaiblissement du pouvoir décisionnel, alourdissement de la procédure délibérative locale, risque de contestation citoyenne et coût financier engendré par les initiatives participatives).

Ensuite, l’implication des habitants demeure fort réduite, notamment en raison du caractère peu attractif des mécanismes participatifs existants (impact limité de l’expression citoyenne sur les projets concernés) ou encore du peu d’intérêt que suscitent certains projets soumis au débat démocratique.

Par ailleurs, ceux qui prennent part aux dispositifs participatifs ont, la plupart du temps, un profil similaire (prépondérance des classes moyennes ou élevées, ainsi que des personnes ayant une bonne connaissance de l’action et de la vie publique locales et disposant d’une grande disponibilité), si bien qu’il est difficile de considérer qu’ils sont représentatifs de l’ensemble de la population. Par conséquent, certaines catégories de la population (notamment les femmes, les immigrés, les précaires et les jeunes) en sont totalement absentes ou ont, tout du moins, du mal à s’y faire entendre, demeurant ainsi nettement sous-représentées. Un tel phénomène trouve l’une de ses explications dans le fait que les dispositifs en question reposent sur des compétences rhétoriques, et imposent du temps libre. Leur fonctionnement se heurte à de nombreux obstacles que sont, par exemple, la barrière de la langue pour les étrangers (absence de traduction au cours des débats) ou les impératifs familiaux (problèmes de garde des enfants durant les réunions des instances participatives).

En outre, les expériences participatives étant le plus souvent orientées vers une optique de pacification et de consensus, certains types d’argumentation (rationnelle, détachée, abstraite) sont favorisés. A l’inverse, l’expression des émotions, le parler en nom propre sont exclus.

II. La participation des habitants doit trouver des palliatifs efficaces

A. Des enjeux et des objectifs à repenser

Quelle que soit la formule sous laquelle elle est initiée, toute démarche participative doit sa réussite à la volonté de ses acteurs, élus locaux et administrés. Dans ce cadre, pour que les expériences engagées puissent fonctionner, il faut un véritable enjeu au débat et un dispositif crédible qui permette de contribuer à la définition du projet et à la discussion de sa pertinence. Dans ces conditions, il est nécessaire que les objectifs de la participation soient mieux définis, celle-ci devant avoir pour but de révéler et de régler les conflits susceptibles d’émerger à l’occasion dudit projet.

Dans cette perspective, la pratique du jeu participatif suppose inévitablement une confrontation des intérêts individuels avec l’intérêt général. Pour assurer leur conciliation, il conviendrait d’associer à la fois des habitants directement concernés ou touchés par le projet et d’autres qui ne le sont pas. Plus encore, ces différents intérêts ne peuvent être dument pris en compte sans qu’il soit porté une attention toute particulière aux formes matérielles de la participation, telles que la régulation des temps de parole ou encore la représentation des différentes catégories d’administrés au sein des structures ou des instances de concertation (conseils de quartier, comités consultatifs). A ce titre, le tirage au sort ou encore l’appel à un tiers neutre (ou « tiers garant ») peuvent être envisagés.

Enfin, la question de la formation des experts, voire des élus, doit être posée. S’il n’existe pas en effet de recette sur la manière dont doit être pratiquée la démocratie participative, la promotion de cette dernière ne s’improvise pas et suppose par conséquent un minimum de connaissances, voire de compétences en la matière.

B. Des modalités à redéfinir

S’ils offrent un certain nombre d’opportunités d’association citoyenne à la vie publique municipale, les textes se révèlent partiellement inadaptés à certaines exigences et réalités participatives locales. Ils commandent et justifient, dès lors, la mise en place de formules alternatives de participation, dépassant le cadre institutionnel existant car s’appuyant sur des logiques différentes.

Ainsi, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (« NTIC ») permettent aux administrés de s’exprimer et de débattre directement sur des forums dédiés, procédant ainsi de ce que l’on appelle communément la « cyberdémocratie ».

De la même manière, les groupes de « théâtre forum » ou les groupes de « qualification mutuelle » favorisent des formes d’expression ne relevant pas de l’argumentation rationnelle, mais reposant sur le vécu et l’expérience des habitants. Ces dispositifs participatifs présentent néanmoins certaines limites, liées au fait qu’il s’agit d’expérimentations : outre la nécessité d’une forte volonté politique pour que les choses évoluent, la question de la pérennisation de ces expériences se pose.

Enfin, il existe des formes dites « ordinaires » de participation car impliquant une mobilisation continue de la part des habitants. L’accent est ici mis sur la « vigilance » et l’« alerte » qui renvoient directement aux notions de quotidienneté et de proximité (ex : Groupe de Travail Interquartier à La Duchère).

En somme, la citoyenneté et la participation ne doivent plus être pensées comme des pratiques prédéfinies. Les habitants doivent être considérés comme modulant leurs pratiques citoyennes. Il faut, en d’autres termes, sortir de la vision capacitaire de la citoyenneté et être attentif aux attachements (à des lieux, des espaces et/ou des groupes) comme ressources de citoyenneté.